Mon accouchement, mon atypique
Toute ma vie, depuis que je suis toute petite, je rêvais d’une maisonnée remplie d’enfants. J’écoutais «Vision mondiale» le dimanche matin et je rêvais que j’adoptais des dizaines de ces enfants dans le besoin. Je les imaginais par dizaines autour de ma table à dîner, les nourrissants et leur offrant toute mon attention et mon amour.
Après avoir étudié, travaillé pendant plusieurs années dans le domaine de la réadaptation avec la clientèle jeunesse, le moment est venu pour moi de combler mon plus grand désir, celui de fonder une famille. Pour plusieurs raisons, j’ai fait le choix de ne pas adopter.
Alors, mon chum et moi avons arrêté de se pratiquer à faire des enfants pis on en a fait pour vrai. Bon, il a fallu que nous soyons patients car ce n’est pas arrivé du premier coup. Dans un couple, il y en a toujours un qui se met plus de pression que l’autre ou du moins que les attentes concernant les délais ne sont pas les mêmes. Généralement, de ce que je connais, c’est la femme. On a tu hâte que ça marche! Au premier, on en fait tu des tests de grossesse! Pis, au premier, on prend les tests les plus chers en pharmacie pour être sûre que c’est de la qualité. Mais au deuxième pis au troisième pis les autres, on n’hésite même pas à prendre ceux du «Dollo». Les filles, les tests sont tous bons. Pis anyway, un test positif EST positif. Il n’y a pas de faux positif. Prenez garde au faux négatifs par contre!
Pendant un an, à chaque mois, je vivais une déception intérieure. (Je spécifie «intérieure» car pour ne pas freiner l’homme et le faire fuir en courant, on a tendance à garder ça pour nous pis on sait très bien, les girls, que plus les mois passent, plus les déceptions sont grandes.) Après un an, j’avais enfin un test positif. LE BONHEUR!
J’ai adoré être enceinte et j’ai vraiment profité de chaque moment. Bon les 5 premiers mois sont tough sur les nausées mais malgré ça, je me concentrais sur mon petit bonheur. J’ai eu une belle grossesse. Au premier, t’as du temps. Tu te flattes la bedaine, tu la regardes grossir, tu t’attardes à chaque mouvement et contractions. J’écoutais le cœur de bébé, je faisais des cours d’aqua forme, je brunchais, magasinais et gérais une auto-construction. Je parle d’une maison là, pas du bébé. Du temps, de la zénitude et du bonheur, j’en avais tout plein!
J’ai choisi de ne pas faire de plan d’accouchement. Je voulais me laisser une ouverture à toute éventualité afin d’éviter les déceptions. On entend tellement d’histoires! Je ne voulais pas me créer d’attentes et de rigidité.
Puis arrive le moment où Bébé veut rencontrer son papa et sa maman. Malheureusement, les protocoles des unités de naissance des centres hospitaliers ne permettent pas d’être à l’écoute de chacune des femmes qui accouchent. Et pourtant, tout le monde sait que chaque grossesse est différente, chaque personne est différente. C’est donc, après des retours à la maison, des nuits d’insomnies, 1 sem. de contractions aux 15-20 min, 40 h de travail et 3 heures de décélérations cardiaques pour mon petit être, une présence de méconium et de pus, qu’on a décidé de sortir Bébé par césarienne d’urgence. J’ai pleuré. On dit souvent que l’on voit notre vie défiler devant nos yeux lors d’un accident ou lorsque nous passons proche de la mort. Moi, j’ai vu l’avenir de mon bébé, l’avenir de mon chum, sans moi. J’étais convaincue que les médecins feraient tout pour sauver mon bébé et qu’ensuite, il s’occuperait de moi. J’étais donc convaincue que je ne survivrais pas avec les constatations des médecins lorsque j’ai crevé mes eaux. J’ai regardé mon chum, des larmes coulaient sur mes joues et j’ai pensé :«C’est la dernière fois que je le vois.» Je n’oublierai jamais cette image. Je le regardais, puis des larmes coulaient sur mes joues. Il croyait que je pleurais parce que je ne voulais pas accoucher par césarienne. Ce n’était tellement pas ça! En quelques secondes, j’ai vu sa vie et celle de notre enfant défiler sous mes yeux. Je croyais que c’était la dernière fois que je le voyais. C’était un adieu pour moi. Puis, je me suis mis à penser anxieusement comment il allait faire avec un bébé. Et j’ai pensé à ma mère. C’est sûre qu’elle allait lui donner un coup de main. Puis, les secondes qui ont suivi, j’étais étrangement calme. Résignée je crois. Et j’ai quitté la chambre.
J’ai quitté pour la salle d’op en essayant de me rassurer en pensant que ma mère allait l’aider avec le bébé. Une infirmière me descendait au bloc d’urgence en poussant ma civière en courant. Elle était paniquée. Elle sacrait : « Je ne suis pas préposée moé criss!» Elle courait avec la civière et fracassait ma bedaine et moi dans tous les cadres de porte rencontrés sur notre passage. «Tabarnak!» qu’elle criait. J’ai vite compris que Bébé et moi étions vraiment à quelques minutes de la mort. Après de la morphine et des dérivés, une épidurale, un rachis et un médicament contre les nausées, Bébé est enfin sorti, pendant ma perte de conscience. Je ne l’ai donc pas vu teinté d’une couleur noir, inerte et sans réponse aux stimulis physiques et respiratoires. Je ne connaissais pas non plus le sexe de mon bébé. On avait voulu garder la surprise… 2 heures et demi plus tard, je me suis réveillée. On m’a informé que j’avais accouché d’un petit garçon. On m’a informé de sa condition. On m’a dit qu’il s’était battu fort et avait réussi. Il était maintenant sous observation.
On est venu me présenter mon petit homme 5h30 plus tard. Je les ai vu entré avec un petit paquet tout enroulé dans une couverture. On m’a remis cette belle petite boule d’amour dans les bras. Je n’ai même pas pu compter jusqu’à 10 qu’ils me le retiraient déjà. Mon cœur se déchirait avec la distance que prenait bébé pour retourner dans son petit incubateur, sous sa panoplie de fils le reliant à différentes machines.
Quand je prenais mon p’tit homme dans mes bras, mon p’tit œuf de pâques ( il était si minuscule), je sentais qu’il était brisé. Puis, mon cœur s’est brisé aussi. Je lui ai fait le serment que j’allais tout faire pour le réparer et que nous allions faire ça ensemble. Je lui ai fait serment que je n’allais jamais abandonner. Que jamais je ne baisserais les bras et que je serai toujours à ses côtés pour affronter les tempêtes, que nous allions les affronter ensemble.
Plusieurs complications sont survenues. Le karma vécu à l’accouchement n’a fait que continuer, continuer et continue encore. Il y a des images que je n’oublierai jamais. Entre autre, celle où mon grand barbu de père de 6 pieds 1 qui était assis sur une chaise. Une sandwich en triangle des machines à distribution à la main et des larmes coulant sur ses joues. Incapable de manger, incapable de parler. Cette image m’a brisé le cœur. Je revenais d’une sieste. J’entendais mon petit homme hurler. Ça faisait 2 heures. 2 heures qu’ils essayaient de lui installer sa perfusion. Ils refusaient que mon père entre. Seuls les parents du bébé pouvaient entrer, avec des gants, un masque et une jaquette. Tout l’attirail. J’ai senti une vague de colère monter en moi. Je faisais connaissance avec la nouvelle maman lionne qui venait d’emménager à l’intérieur de mon petit corps. Je suis entrée et j’ai dit :«Qu’est-ce qu’il se passe mon petit homme?» Dès cet instant, au son de ma voix, il a arrêté de pleurer. Je ne pouvais m’imaginer à quel point le lien mère/enfant pouvait être fort.
Après des vomissements à répétitions, du gavage, des étouffements, des décélérations cardiaques, du liquide dans les poumons, des infections, des milliers de piqures sur tout le corps dont la tête, un transport dans un autre hôpital, un pekline, des antibios, etc. nous sommes rentrés à la maison. Dire que nous pensions que tout était derrière nous… 2 feux de circulations plus tard, j’entendais les premiers comportements atypiques de mon petit homme. Depuis, ils n’ont fait que s’accumuler ou se remplacer un l’autre. Je me doutais déjà que notre parcours serait des plus olympiques.
On a visité pratiquement tous les départements de 4 hôpitaux différents jusqu’à ce jour. Et devinez quoi? Il y a encore plusieurs choses que les spécialistes sont incapables de statuer. Mon petit homme, a toujours des atypies. Autant sur le plan neurodéveloppemental que sur la santé.
C’est après des batailles exténuantes, (Selon certains spécialistes : c’était dans ma tête, je me cherchais du travail à la maison, nous étions des parents incompétents, nous devions être trop lousses, oh non! Finalement, nous devions être trop autoritaires, etc., etc.) des années d’attente sur des listes, des allées/retours à l’urgence, ben de l’énergie dépensée, en fait, toute l’énergie dépensée, un arrêt de travail, un retour au travail à temps partiel, des anti-dépresseurs et plusieurs diagnostics pour mon p’tit homme que nous avons eu des services. Enfin!!!
Après 9 ans de travail acharné, je constate que mes efforts en valaient la peine. Il progresse mon petit homme. Il évolue. Malgré tout ce que mon p’tit homme me demande en terme d’investissement de toute part (temps, argent, énergie, etc.), ben je l’aime mon atypique. Je ne l’échangerais pour rien au monde. C’est MON atypique.

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